Au cœur d’une proposition allant du flamenco aux chants hindis, l’édition 2016 du London Latin Jazz Fest a été marquée par le concert explosif d’Edwin Sanz, entre salsa et soul.
[A la découverte du Latin London, saison 4] Le London Latin Jazz Fest se déroule chaque début d’automne au Pizza Express Jazz Club situé dans le quartier de Soho à Londres. Fort d’une réputation solide, Alex Wilson a réussi à installer un événement qui a su se bonifier avec le temps. Le pianiste met à profit son expérience de directeur musical (Rodrigo y Gabriela, Malia, Do You Speak Djembe?), convoque son réseau, monte des projets originaux.
Avec deux concerts programmés le vendredi soir, l’orchestre salsa d’Edwin Sanz constituera le point d’orgue de cette quatrième édition. Le percussionniste vénézuélien y présentera son nouvel album : « Overflow ». Présent depuis le premier jour, Edwin est un élément essentiel de l’événement. Et si un engagement -finalement annulé- l’a privé de festival l’an dernier, cela n’a pas empêché Alex de lui faire bénéficier de l’heureuse rencontre latin/gospel avec Nicky Brown ou encore de la magnifique version de « Something About You » de Mike Lindup (Level 42), un fidèle du festival.
Les collaborations sont l’ADN du London Latin Jazz Fest. Tous les jours, du début de l’après-midi jusqu’au coucher du soleil, les musiciens préparent le show. Main de fer dans un gant de velours, Alex Wilson donne ses instructions tout en prenant soin de laisser aux musiciens la liberté de s’exprimer. Fraîches et réjouissantes, les surprises de ce millésime seront « Madrid Edition », remarquable projet jazz flamenco dirigé par le batteur suisse Marc Halbeer et la soirée « Alex Wilson and Friends » avec la participation exceptionnelle de la chanteuse indienne Unnati Dasgupta dont la prestation laissera l’assistance sans voix.
Yannick Le Maintec (@blogmundolatino)
A lire sur Mundo Latino : Oh happy days ! (A la découverte du Latin London, ep. 3)
Du flamenco aux chants hindis
Mardi 27 septembre – Marc Halbheer’s Madrid Edition with special guest Alex Wilson
En ouverture du festival, Alex Wilson a invité Marc Halbeer. En épousant une madrilène, le batteur suisse a rencontré le flamenco. Le musicien a passé beaucoup de temps à Madrid, s’est immergé dans ce genre, s’est formé avec les meilleurs. Le résultat de ce travail est cette collaboration avec le guitariste espagnol Miguel Linares et le bassiste cubain Dany Noël. On sait que la musique cubaine a été influencée par la musique espagnole (La diana, cri de lamentation qu’on entend au début de la rumba ne trouve-t-elle pas son origine dans le flamenco ?) On sait également que la musique espagnole a été influencée par la musique cubaine (rumbas flamenca et catalaña). « Madrid Edition » est un projet de jazz flamenco aux influences cubaines feutré et intimiste. Le percussionniste a l’intention d’emmener son projet en studio : objectif 2017.
Mercredi 28 septembre – Ivan « Melón » Lewis Trio
Pour les amateurs, Melón est une star, un des architectes avec Alain Pérez de la timba des années 90 aux côtés d’Issac Delgado (On lui doit trois tomes d’une méthode du piano). Le grand public l’a découvert en tant que pianiste de Buika. Comme pianiste de jazz, il a joué à Montreux. C’est logiquement un spectacle haut de gamme qu’il a donné mercredi soir au Pizza Express accompagné du batteur Georvis Pico et du contrebassiste Reiner « El Negron » Elizarde. Le répertoire était construit sur le récent Hoy Como Ayer, nominé aux Grammy, un des plus beaux albums de latin-jazz de ces dernières années… Latin, vraiment ? A l’image de ses contemporains, Ivan est un pianiste cubain de jazz avant d’être un pianiste de jazz cubain. La soirée semblait s’inscrire dans la continuité du concert de clôture de l’an dernier donné par le violoniste Cubain Omar Puente. Ivan était là, déjà. Le pianiste a joué le rappel en solo : Son de la Loma, magique.
Jeudi 29 septembre – Son Con Swing
Gros succès auprès de l’audience, c’est Son Con Swing qui distille sons, chachas, salsas, boleros. Tubes et compositions originales s’enchaînent. Le tout est bien exécuté, efficace. Le classicisme de la prestation peine à satisfaire les exigences de l’amateur, avide de prises de risque et d’arrangements complexes. La concert fut sold-out. Aux premières notes, les danseurs étaient debouts. Les festivals ont besoin de soirées-phares. Tant mieux si elles sont de qualité.
Vendredi 30 septembre – Edwin Sanz Salsa Orchestra « Album launch »
Le London Latin Jazz Festival est au final assez peu salsa. L’exception sera exceptionnelle. Le show avait été rodé en France à l’occasion d’un concert brillant au Festival Toros y Salsa de Dax. What a blast! Les murs du club londonien ont tremblé devant la puissance de l’orchestre salsa du percussionniste Edwin Sanz. En première ligne, les chanteurs Naomi Phillips, Rodri Go et Josbel « Figurita » Rodriguez ont alternés répertoires soul et salsa. Les cuivres sont puissants, les percussions forcément efficaces. En l’absence du trompettiste Oscar Cordero, Alex Wilson a pris la direction du groupe, sans grande difficulté : il en est le producteur. A l’envie d’Edwin de porter une salsa moderne et accessible, le pianiste a répondu présent en apportant son savoir-faire et des tubes d’une vie antérieure, « Higher Love », « Show Me », « Ain’t no body ». A l’image du nouvel album « Overflow », le concert propose une formule renouvelée de latin-soul, de salsa romantica et dura. L’enregistrement est une usine à tubes (« Blessed », « I Put a Spell On You », « Something About You »), et l’orchestre d’Edwin Sanz le meilleur groupe de salsa du moment, définitivement.
Samedi 1er octobre – Alex Wilson and friends, feat. Unnati Dasgupta
Histoire de prolonger le plaisir de la soirée d’ouverture, Alex Wilson a proposé à Marc Halbeer et Dany Noël de le rejoindre pour le final : « Alex Wilson and Friends », avec la participation de son complice Edwin Sanz et de la jeune pianiste Eliane Correa, qui avait présenté ici-même l’an dernier son album Rumba Con Flores (lire ici). A partir du répertoire d’Alex (mention au duo de piano Eliane y Alex), chacun ira de sa partition, dévoilant la palette de son talent dans un ensemble cohérent. Le climax du concert sera atteint à chaque intervention d’une invitée toute particulière, la chanteuse indienne Unnati Dasgupta. Des chants indiens sur des rythmes latins ? Le mélange éclectique est électrique. Unnati a offert au public un des plus poignants boléros qu’il m’ait été donné d’entendre. Comme d’évidence, la soirée s’est terminée sur une salsa, hindi et irrésistible.
Pour aller plus loin
- London Latin jazz Fest : site web (organisation : Peter Conway)
- Marc Halbheer’s Madrid Edition : site web
- Iván “Melon” Lewis : site web – Nouvel album : « Ayer y Hoy » (2015, Cezanne Producciones)
- Edwin Sanz : site web – Nouvel album : « Overflow » (2016, Alex Wilson Music)
- Unnati Dasgupta : site web